Ressources du Congo

RDC: L'OIF et la France prises au piège de la Françafrique? (2/2)

21 Août 2012 , Rédigé par Anicet Mobe Publié dans #Carte blanche à

En renforçant ainsi sa coopération culturelle, la francophonie accroîtrait les capacités d'action des Congolais à creuser les sillons d'un renouveau culturel -et donc à donner un contenu dynamique et démocratique à la culture -dont a besoin le Congo en cette phase de reconstruction du pays.  

 

La tragédie de la région des Grands Lacs hypothèque gravement l'avenir d'un grand pays francophone. Aussi devient -il urgent de se dégager du manque d'audace politique actuel qui empêche la Francophonie d'assumer sur le plan diplomatique les devoirs que lui impose sa volonté affichée de répondre" aux profonds bouleversements politiques, économiques, technologiques et culturels2". 

 

Force est cependant de constater que les Francophones ne se donnent pas tous les moyens requis pour assumer diplomatiquement la mutation historique de l'après guerre-froide. La frilosité de l'"institutionnel" francophone étonne face aux ambitions diplomatiques du monde anglo-saxon. C'est ainsi qu'alors que l'anglophonie est, depuis 1948, pensée comme le fondement d'un bloc géopolitique, la francophonie se dit davantage qu'elle ne se fait3".  

 

Mené avec succès, l'engagement diplomatique de la francophonie en RDC, servirait de référence politique dans le redimensionnement des relations internationales. Ce succès en appellerait d'autres et féconderait d'autres initiatives diplomatiques francophones. Il se murmure dans les chancelleries qu'une initiative hardie serait en gestation du côté de Brazzaville pour dégager l'Afrique centrale -majoritairement francophone- de la lutte d'influence opposant l'Afrique australe à la région des Grands Lacs. 

 

Que peuvent espérer les Congolais du Canada ? Rien du tout et beaucoup : des entreprises minières canadiennes ou ayant des capitaux canadiens participent activement aux pillages des ressources économiques congolaises depuis les "rébellions" de 1996-1998. Pourtant, le concours du Canada est indispensable pour renforcer le trio Belgique, France et Luxembourg afin de consolider la francophonie.

 

N'ayant pas de passé colonial en Afrique, le Canada devrait aborder le continent africain sans a priori défavorable. Le dynamisme du gouvernement canadien ainsi que ceux des provinces du Québec et du Nouveau Brunswick et leur "engagement dans l'institutionnalisation de la francophonie" peuvent infléchir leur politique de coopération en faveur de l'Afrique francophone et aussi amplifier la promotion d'une francophonie plus "politique", facteur essentiel pour aborder efficacement une crise majeure comme celle de la région de Grands Lacs. 

 

La majorité socialiste en France se retrouve dans un piège grossier


Hantée par le syndrome mitterandien de 1981 avec, notamment la démission brutale de Jean-Pierre Cot, la majorité socialiste se retrouve dans un piège grossier dont il n'est pas sûr qu'elle s'en échappe indemne d'autant que l'héritage de Sarkozy est fort encombrant comme l'illustre le curieux contrat portant sur l'uranium au bénéfice d'Areva conclu lors du voyage - éclair du président Sarkozy à Kinshasa, le 26 mars 2009.  

 

Ayant habilement transformé le génocide- qu'il faut condamner sans ambiguïté- en un fond de commerce diplomatique; comptant sur les immenses capacités de son armée de se projeter victorieusement sur de lointains théâtres d'opérations; enivré par les louanges d'une certaine presse belge et anglo-saxonne; fort du soutien diplomatique américain et britannique; adulé par le FMI et la Banque Mondiale, le général Kagamé reste plus que jamais le maître d'œuvre d'un vaste ballet diplomatique dont il est un acteur avisé alors que le peuple congolais subit l'arbitraire des agresseurs au milieu du silence assourdissant de leur Chef de l'état, en dépit du rapport accablant de l'Onu mettant explicitement en cause le Rwanda.

 

 Dans son dernier entretien sur le plateau de la télévision nationale, il n'a pas exprimé avec force sa ferme volonté de contrer les visées expansionnistes du Rwanda et de soustraire la politique et la diplomatie congolaise de l'emprise de Kagamé.  

 

Payant un lourd tribut de son aveuglement lors du génocide et du cuisant échec de la ténébreuse opération Turquoise, le coq gaulois semble prêt à passer par perte et profit la francophonie sur l'autel du " réalisme politique" pour ne pas mécontenter le maître de Kigali. C'est aussi - paraît-il - le prix à payer pour continuer à profiter du juteux marché de ce vaste entrepôt minier qu'est devenu le Congo. Par ailleurs, selon certaines sources dignes de foi, les entraînements s'intensifient au sein des unités d'élite de l'armée ruandaise pour -dit-on- recruter un commando qui serait chargée de mener une expédition- punitive contre le sommet.

 

Le régime de Kigali entend ainsi démontrer - si besoin en était - qu'il peut intervenir militairement sur n'importe quel recoin du territoire congolais ; réaffirmer sa ferme volonté de maintenir une pesante tutelle sur l'échiquier politique congolais afin de régenter sa politique intérieure et extérieure pour le plus grand profit des intérêts économiques, commerciaux et stratégiques rwandais.  

 

Appartenir à la francophonie: une valeur ajoutée pour la diplomatie ? 


Le sommet de Kinshasa -s'il est maintenu -n'aura de sens que si le peuple congolais en sort grandi et respecté dans ses droits de décider librement de son devenir. La francophonie tirerait un immense crédit du sommet de Kinshasa si l'OIF se structure en un solide point d'ancrage diplomatique d'où devraient émerger des solutions efficaces afin de résorber la tragédie qui n'en finit pas de démolir le plus grand pays francophone d'Afrique. 

 

La présence du président Hollande n'aura de raison d'être que si ce voyage est l'occasion de poser fermement les fondamentaux -éthiques, culturels et intellectuels- pour libérer la politique africaine du pacte néo-colonial afin de la ramener à la raison démocratique. Par sa brillante élection à la présidence de la république- après avoir remporté haut la main la primaire socialiste au milieu d'avanies et de quolibets de ses camarades -François Hollande a magistralement remis au goût du jour une leçon d'intelligence -critique de l'histoire, d'intelligence politique et de l'intelligence du politique illustrée par diverses éminentes personnalités qui ont conçu, initié et/ou fait réaliser de profondes mutations à leurs pays. 

 

Osons espérer qu'en Afrique, particulièrement au Congo, François Hollande osera oser comme il y a un an, lorsque -couvert de railleries et de sarcasmes- il s'est déclaré candidat alors que les sondages donnaient gagnant un autre socialiste. Nous savons ce qu'il advint de son audace... 

 

  barrerdc

2. Massart-Piérard Françoise, Redimentionnement des relations internationales et francophonie, Studia Diplomatica, vol. LIII, n°3, Bruxelles, 2000, p. 18. 

3. Cassen B., Les langues, ces fils d'or du combat contre la mondialisation libérale", Manière de voir, n°57, Monde Diplomatique, Paris, mai-juin 2001, p. 88

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