RDC : Je me souviens #2/2
Je me souviens de mon arrière grand-mère qui avait un livret d’épargne et elle y plaçait toutes ses économies. Je me souviens aussi de mon arrière grand-père qui avait fait la première guerre mondiale, et qui percevait sans aucun problème sa pension d’ancien combattant de la force publique.
Tous les deux étaient nés dans les années 1800. Je me souviens de mes parents qui déclaraient et payaient leurs impôts. La taxe foncière et la taxe d’habitation devaient aussi être acquittées. A ce sujet, un timbre fiscal était apposé dans le livret parcellaire comme preuve de paiement. Bien entendu, ils percevaient leurs salaires et pouvaient ensuite remplir leur devoir de citoyens.
Je me souviens du couvre-feu des mineurs qui ne devaient plus être dans la rue après 19 heures. Celui ou celle qui était pris par la Police des mineurs se retrouvait à Kingabwa. Les parents devaient aller le chercher, non sans crainte, car ils étaient sermonnés pour n’avoir joué leur rôle d’éducateurs.
Je me souviens de mes visites dans un camp militaire, où j'avais de la famille. Il était propre et les soldats disciplinés. Ce n’étaient pas des camps surpeuplés de maintenant où s’entassent plusieurs familles et plusieurs générations dans un même logement. Oui, je me souviens de ces fameux PM (Police Militaire), de grands gabarits, qui de temps en temps surgissaient de nulle part pour traquer les soldats récalcitrants qui ne respectaient pas les consignes de permission.
A leur vue, on voyait des soldats fuir comme des gamins qui ont peur de la punition. La discipline était bien là, la force était à la loi.
Oui, je me souviens de mon cycle d’orientation (collège), j’allais à l’école en bus scolaires, les fameux « écoliers ». Ils étaient à l’heure et nous déposaient dans l’enceinte même de l’établissement. Après les cours, ces bus venaient nous chercher pour faire le chemin inverse.
Je me rappelle que des années plus tard, alors que je commençais les études supérieures, ces bus étaient toujours là pour nous conduire au Campus pour les uns, à l’IPN et dans les différents instituts supérieurs pour les autres. Je me rappelle que les étudiants étaient boursiers. Je me rappelle aussi qu’il y avait des « réservés abonnés », ces bus pour des adultes ayant un abonnement, souvent des fonctionnaires qui les prenaient pour se rendre au travail.
Je me souviens, il y a de cela plusieurs années, de l’autorail (le « TGV » de l’époque) que je prenais pour me rendre de Kinshasa à Matadi. Le train était toujours à l’heure, à 7 heures pile, on partait de la gare centrale de Kinshasa là où commence ou finit le boulevard du 30 juin (c’est selon) pour être à Matadi, 300 kilomètres plus loin, à 13 heures. Je continuais mon voyage à bord d’une vedette de l’Otraco pour arriver à Boma à 15 heures …. Pour l'époque, c'était un exploit.
Je suis né en 1956 et d’autres avant moi ont des souvenirs encore plus poignants, d’un Congo qui fonctionne, d’un pays qui s’occupe de ses citoyens. Les Kinois d’aujourd’hui qui peinent à trouver un moyen de transport, savent-ils que cette ville disposait d’un réseau de bus électriques ? Les Kinois d’aujourd’hui qui ont du mal à se soigner et surtout à soigner leur famille, savent-ils qu’il existait une carte d’ayant droit pour les fonctionnaires ? On la présentait à l’hôpital public et on était soigné. Les grandes entreprises publiques avaient aussi leur propre réseau de santé (Otraco, Gecamines …).
Je me souviens de mon maître d’école qui ne me demandait rien en échange de mes résultats. Les services publics ne demandaient rien à mes parents en échange d’une quelconque faveur. Oui, je me souviens des malades qui ne donnaient rien aux médecins hospitaliers ou aux infirmiers. Chacun avait son salaire. Oui, je souviens de Kin la Belle, ville animée, vivante, solidaire qui augurait d'un Congo en devenir. Hélas !
Tout n’était pas rose, mais ce pays était dans le sens de la marche. Que s’est-il alors passé au Congo ? Pourquoi cherchons-nous ce que nous avions jadis ? Combien de congolais savent qu’en 1960 on vivait mieux à Kinshasa qu’à Séoul ? Pourquoi avons-nous alors pris le chemin inverse ?
Je sais, le responsable de nos malheurs, c'est encore et toujours les autres. Ce que les autres ont fait, nous pouvons le faire. Kennedy alors président des États-Unis, avait dit aux Américains: « Ne vous demandez pas ce que l'Amérique peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous, vous pouvez faire pour l'Amérique». J'ai envie de dire la même chose à chacun d'entre nous, mais à côté du verbe pouvoir, j'ajoute le verbe devoir. Oui, ce que nous pouvons et devons faire pour le Congo, pour nos enfants. C'est maintenant plus que jamais. Sonnons le tocsin du réveil, car le péril est en la demeure et personne ne combattra pour nous.
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