Je me souviens #1/2
La RDC connaît sans discontinuer trois décennies d'une crise profonde. Quand on parle de mon pays, on ne voit que des images de guerres, de violences diverses, de pauvreté quasi absolue. On y voit un État totalement désorganisé où même les prémices d'une collectivité moderne restent une utopie.
Mais nous savons tous que pour aller quelque part, c'est aussi bien de savoir d'où l'on vient. Le point de départ avait-il été à ce point impromptu, pour que notre situation soit aussi catastrophique aujourd'hui ? Il nous faut répondre ensemble à cette question. Il nous faut interroger l'histoire, faire parler nos anciens et nos érudits pour apporter quelque lumière.
En attendant, j'ai tout simplement interrogé ma mémoire, mes souvenirs. Les spécialistes nous disent qu'un pays développé est celui où la majorité de la population accède à tous les besoins vitaux ainsi qu'à un certain confort et à l'éducation. Je me suis alors rappelé que quand j'étais enfant, cette définition commençait à se réaliser au Congo. Nous avions pris résolument le chemin qui conduit à ce stade de développement. Mais alors qu'est-ce qui n'a pas marché ? J'ai choisi de ne pas répondre à toutes ces questions, mais de raconter tout simplement mes souvenirs.
Oui, je me souviens encore de mon école primaire comme si c’était hier. C’est l’institut St Jean-Bosco dans la commune de Barumbu, ayant comme voisin en mitoyenneté, le camp Lieutenant Mbaki, base de la force aérienne. Je me souviens de mon école qui était propre ; quand une vitre était cassée, elle était remplacée dans la journée. Les instituteurs étaient des gens respectables et respectés, ne quémandant pas leur salaire et faisant partie de la classe moyenne de l’époque. Ils avaient tous un logement décent, certains avaient même un véhicule. On se levait pour les saluer. Je me souviens du Curé qui venait voir nos parents pour faire un rapport sur notre scolarité. Autant dire que c’étaient des moments redoutés.
Je me souviens de Barumbu, la commune de mon enfance où les écoles primaires ceinturaient quasiment toute la commune pour que chaque enfant ne soit pas loin de son école. Je me souviens de Léopoldville, puis de Kinshasa, ville indigène (sic) où presque toutes les maisons étaient en terre, mais ville d’une propreté irréprochable ; les égouts n’étaient pas bouchés, le service d’hygiène veillait et l’amende n’était pas loin pour le contrevenant. Je me souviens aussi du rôle de ce même service qui traitait les égouts avec des produits pour détruire les larves de moustiques et qui, régulièrement épandait de l’insecticide à grande échelle en parcourant toute la ville. La malaria ne faisait pas de ravages comme maintenant.
Je me souviens des terrains de jeu dans chaque commune et les sports se pratiquaient à tous les niveaux. C’est cette organisation qui donnera plus tard des grands sportifs. L’épopée des Léopards a bien commencé là. Nous avons vu des joueurs comme Kakoko, Mayanga, Mahungu, commencer par des matchs inter-communaux. Je me souviens de Barumbu, de Kinshasa, de Saint-Jean (Lingwala), de Léo 2 (Kitambo) où les enfants disposaient des aires de jeu et la joie de vivre animait notre enfance.
Je me souviens des fonds d’avance, sorte de crédit immobilier qui permit à la plupart de nos parents de construire des maisons en dur. Je me souviens de la construction des zones annexes, cités aux normes modernes, pour loger les familles. Bandalungwa, Matete, Lemba qui deviendront des communes à part entière, vitrine d’une ville en plein développement, en pleine mutation. Je vois encore la construction de Lemba et mes souvenirs me montrent encore des lotissements en construction et il n’y avait pas encore d’électricité à notre arrivée.
On parle des HLM ici, il y avait déjà chez nous l’ONL, l’Office nationale de logement, vaste projet de logements sociaux. Je me rappelle que les coupures d’électricité étaient très rares et ne duraient pas une éternité, que l’éclairage public fonctionnait à merveille. Et dire qu’il n’y avait pas encore Inga.
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