Hooliganisme
Les casseurs du PSG au Trocadéro
(Paris)
Les Hooligans Hollandais
Le 2 juin 2013
Ces jeux de mains, jeux de vilains figuraient en bonne place non seulement dans la presse mais surtout sur la Toile, le 2 juin dernier. C’est le fond de sauce que nombre de journalistes aiment à servir dans les flashs et à moindre frais, au risque d’accentuer la myopie en termes de réflexion et de prise de distance chez le commun des consommateurs d’informations brutes.
René Katal
Latiniste et professeur de français remet le curseur sur ces émeutes afin de mettre les choses en perspective.
Hooliganisme
Loin d’être un phénomène moderne, le hooliganisme remonte à l’Antiquité gréco-latine. Des auteurs du premier siècle de notre ère font écho d’une scène de violence qui s’est déroulée dans un stade, lors d’un jeu opposant deux villes antiques, Nucéria et la tristement célèbre Pompéi.
Cette affaire a eu lieu en 59 de notre ère. De quoi s’agit-il précisément ? Laissons l’historien Tacite nous en faire le récit. Un conflit éclate entre Nucériens et Pompéiens au cours d’un spectacle de gladiateurs, organisé par Livenius Regulus, sans doute questeur, l’équivalent d’un adjoint au maire chargé des fêtes et de la vie sociale dans une commune.
Mais ce spectacle dégénère vite en rixe. On compte de nombreux morts et blessés dans le camp des Nucériens, qui portent plainte auprès du gouvernement local. Celui-ci constate que cette affaire dépasse ses compétences et s’en réfère à Rome, où il envoie les plaignants pour le besoin de l’enquête judiciaire.
Selon Tacite, le jugement de l’affaire est remis par l’empereur au Sénat, qui le transmet au consul. Telle est la procédure suivie par cette affaire. En fut-il ainsi de tous les conflits opposant les habitants de deux cités ?
On serait tenté de répondre par l’affirmative : en effet, dans le cadre de réhabilitation du Sénat, Néron proposait, dans son discours-programme, entre autres choses, que l’Italie et les provinces du peuple romain, c’est-à-dire les provinces sénatoriales, devaient saisir la juridiction des consuls, laquelle jugeait en appel et pouvait renvoyer l’affaire au Sénat.
La mise en branle de cette procédure serait apparemment liée à l’éclatement des affaires dépassant le simple cadre d’une juridiction provinciale. C’est cette voie, normale, qu’avait sans doute prise l’affaire de l’émeute de Pompéi avant son renvoi par les consuls devant le Sénat. Ainsi, les sénateurs l’instruisirent et la menèrent à son terme.
Condamnations des émeutiers pompéiens
Les faits établis, les émeutiers furent tous reconnus coupables d’être à l’origine de la sédition et d’avoir donné des coups avec l’intention de nuire. Il s’ensuivit une série de sanctions lourdes contre eux. En premier lieu, les réunions publiques avec spectacles de gladiateurs furent interdites, à Pompéi, pour dix ans. En deuxième lieu, les duumviri furent remplacés. En troisième lieu, les associations illégales furent dissoutes pour mauvaise presse dans la Rome antique.
Les premiers empereurs les tenaient pour un repaire tout désigné de leurs opposants ou rivaux. Il leur fallait donc, à défaut de les contrôler, les interdire. En fin de compte, le Sénat suspendit les magistrats et exila l’organisateur du spectacle, Livineius Regulus, ainsi que les Campani. Toutes ces sanctions témoignent de la gravité des incidents et de la culpabilité de leurs auteurs. Que pouvons-nous retenir de cette affaire ?
Deux remarques s’imposent du point de vue juridique : primo, cette étude nous a révélé quelle procédure était d’application en cas de graves rivalités survenant entre provinciaux. En effet, la juridiction du gouvernement provincial saisissait celle de l’empereur à Rome; de celle-ci l’affaire passait à celle de sénateurs avant d’être confiée aux consuls.
Notons à cet effet l’attitude légaliste de l’empereur ; une attitude qui traduisait d’une certaine manière en actes l’une des orientations du règne, à savoir l’autonomie et la décentralisation de la justice, annoncée dans le discours d’investiture. On peut ainsi parler de la régularité de ce procès, marqué du reste par sa conformité à la loi en vigueur en matière de condamnation prononcée contre les fauteurs de troubles et les associations ou collegia.
Enfin, cet incident dramatique survenu lors d’un spectacle de gladiateurs à Pompéi permet de penser que la violence dans les sports n’est pas exclusivement un phénomène moderne, elle y était déjà présente au premier siècle de notre ère.
Commenter cet article