Ressources du Congo

Congo-Belgique : au seuil d’un nouveau règne… (2/2)

14 Août 2013 , Rédigé par Anicet Mobe Fans Publié dans #Carte blanche à

 

Anicet Mobe Fans

Chercheur en Sciences Sociales,

Membre du Collectif des intellectuels congolais « DEFIS », se fait l'écho de ce passage de témoin, pour mettre les choses en perspective.

 

Roi des Belges, roi souverain du Congo ?

 

Rappelons que le 14 septembre 1934, le Roi Léopold III imposa Pierre Ryckmans qu’il a connu en 1925 comme gouverneur - général alors même que celui-ci n’avait obtenu que 3 voix lors du vote au Conseil des ministres.

 

Le message royal du 13 janvier 1959, se démarqua substantiellement de la déclaration gouvernementale sur l’avenir politique du Congo. Hormis le Premier Ministre, Gaston Eyskens et le ministre du Congo, Maurice Van Hemelrijck, le gouvernement n’était nullement informé des positions royales. Le professeur Stengers qualifie, pour cette époque, la démarche du Roi d’« acte probablement le plus important du règne1. »

 

En décembre 1959, sans en informer le gouvernement, le Roi Baudouin entreprit un voyage au Congo - où l’avait discrètement précédé son père - afin de reprendre la main après le soulèvement populaire du 04 janvier, férocement réprimé par la Force Publique coloniale. C’est au cours de ce séjour que le commandant en chef de la Force Publique, le général Janssens s’employa à le persuader de proclamer l’indépendance du Congo sous l’égide de la couronne, le 1er juillet 1960.

 

Au plus fort de la sécession katangaise, alors que les autorités congolaises s’efforcent de résorber la crise, le Roi apporta publiquement le 21 juillet 1960, un soutien à Tshombe. Celui-ci est, du reste, reçu à Bruxelles, le 06 décembre et est décoré du Grand cordon de l’ordre de la couronne par le ministre des affaires africaines. Le rapport de la commission d’enquête parlementaire belge a clairement établi que le Palais royal entretenait des liens très étroits avec des personnalités belges - major Weber; d’Aspremont Lynden Harold; le Recteur Dubuisson de l’université de Liège - directement impliquées dans les sordides manœuvres ayant abouti à l’assassinat du Premier Ministre Lumumba2.

 

Dans une lettre qu’il lui adresse le 04 août 1960, le président du parti social-chrétien, Théo Léfevre interpelle vivement le Roi pour stigmatiser la politique personnelle qu’il mène en faveur du Katanga sécessionniste. Le Roi reçut chaleureusement, en 1965, Tshombé, venu en Belgique brader le patrimoine congolais – Portefeuille - au profit des intérêts des capitalistes belges.

 

Les relations belgo -congolaises se sont distendues en 1967 après la révolte des mercenaires belges, français et sud- africains- commandés par le colonel belge Jean Schrame - qu’avait recrutés Tshombe  et que Mobutu avait incorporés dans l’armée nationale congolaise en 1965. Le dégel vint d’une initiative personnelle du Roi Baudouin qui dépêcha son frère, le Prince Albert de Liège, - Roi Albert II - à Rome pour inviter le Président Mobutu à venir en Belgique. Celui-ci arriva à Bruxelles, le 08 juin où le roi lui remit le Grand Cordon de l’ordre de Léopold.

 

Le Prince Albert séjourna au Congo en février 1969, à la tête d’une importante délégation économique et au mois d’avril 1969, le Roi Léopold III reçut le Président Mobutu à Nice. La famille royale se mobilisa pour préserver le joyau de la couronne afin de sceller la réconciliation économique entre le capitalisme belge et le régime Mobutu.

 

Quand les colonisés couronnent le monarque métropolitain

 

L’accueil triomphal - impensable en Belgique à cette époque - que reçut le Roi Baudouin dès son arrivée à Kinshasa, le 16 mai 1955, valut - à tort - pour les Belges, approbation de leur entreprise coloniale alors qu’ils essuient des critiques acerbes à l’ONU. L’enthousiasme délirant des Congolais offrit aux  Belges l’image – illusoire - d’une nation unie, réconciliée et réconfortée dans ce qu’elle considère comme son droit de pérenniser l’exploitation coloniale alors que la conférence de Bandoung (avril 1955) sonnait le glas de l’ère coloniale.

 

 Discours royaux et princiers ainsi que des initiatives politiques émanant du Palais illustrent clairement que depuis plus d’un siècle, la dynastie belge a une conscience aigüe des enjeux - politiques, économiques et diplomatiques - de l’aventure coloniale et post-coloniale dans l’équilibre et la stabilité de la Belgique, ainsi que de son influence dans les relations internationales. En décembre dernier, le roi Albert II s’est inquiété de menaces qui pèsent sur le Congo.

 

Ayant été préparé par le roi Baudouin à l’exercice de sa fonction royale, le roi Philippe prendra, certainement, des initiatives – ou en soutiendra - pour marquer de son empreinte les relations belgo - congolaises. Il importe que les Congolais soient des acteurs avisés des évolutions résultant de ces initiatives.

 

Il appartient aux intelligences belges et congolaises – libres de tout préjugé (néo) colonial – d'élaborer des outils conceptuels pour approfondir les questionnements épistémologiques liés à l'écriture et à l'enseignement de l'histoire coloniale afin que nos peuples se défassent de mythologies pour s’approprier intelligemment des pans entiers de notre histoire commune.

 

barrerdc

1. J. Stengers : L’action du roi en Belgique. Pouvoir et Influence,  Racine, Bruxelles 1996, pp.181-182. 

2. a) L. Devos, E. Gérard, J-G. Libois et Ph. .Raxhoni : Les Secrets de l’affaire Lumumba, Racine, Bruxelles 2005, pp.522-602.

    b) C. Braeckman : Lumumba. Un crime d’état, Aden, Bruxelles, 2002, pp. 42-46 .

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