Ressources du Congo

RDC, quand la République est dans la rue

15 Novembre 2020 , Rédigé par Abraham Itimbiri-AketiPublié dans #Echos de la vie quotidienne Congo & Diaspora, Publié dans #Echos de la vie quotidienne Congo & Diaspora, #Focus sur le mal Congolais, #Carte blanche à

 

 

 

 

Ah les réseaux sociaux ! Cet outil moderne qui allie liberté, rapidité et visibilité, nous a tous séduits. Tout le monde s’y est mis : les institutions gouvernementales, les entreprises publiques et privées, les associations et bien entendu, presque tous les terriens anonymes. « To be or not to be », telle doit être le réseau. Que de place prise dans notre vie.

Dans un monde où presque tout se sait et se voit, les canaux officiels sont de plus en plus pris de court car le reportage s’est démocratisé. On l’a vu avec les Gilets jaunes en France, avec les fameux printemps arabes et on le voit et c’est ce qui nous intéresse avec la république démocratique du Congo où la presse de rue est devenue une voix presque officielle. À croire que les inventeurs de Whatsapp, Telegram, Youtube et autres sont Congolais…

L’impact des réseaux sociaux

Loin de nous l’idée de faire un travail sociologique sur l’impact des réseaux sociaux sur la société congolaise. Nous savons tous par contre, qu’ils sont devenus un outil incontournable avec ses avantages et ses inconvénients. À chacun donc de savoir en user avec discernement. Dans un pays aux multiples défis, les réseaux permettent de rapprocher les gens, surtout là où les infrastructures routières sont défaillantes et c’est largement le cas en RDC, on peut donc atteindre un villageois à plus de deux mille kilomètres plus facilement. C’est une avancée majeure.

Le piédestal des autodidactes

Ce qui nous intéresse, c’est l’usage politique que la rue fait des réseaux sociaux principalement à Kinshasa où les reportages pullulent au point de remplacer la parole officielle, et on connaît tous l’adage : « la nature a horreur du vide ». Et cela ne s’arrête pas au simple divertissement.

Que voyons-nous ?

Des reportages de toutes sortes sur Youtube avec des personnages, somme toute très bien informés et de bonne foi, selon leur propre assertion. Ils sont au courant de tout et leur source serait au cœur des pouvoirs :

  • la prophétie d’un rabbin israélien que Netanyahou aurait transmise à Fatshi,
  • L’arrestation imminente de Kabila, selon les sources américaines (même si je ne m’en plaindrais pas),
  •  les entretiens supposés de Fatshi avec d’autres chefs d’État,
  • les arrestations en gestation,
  • les coulisses de la guerre larvée que se livre la coalition au pouvoir….

Le délire socio-médiatique est tel qu’on ne sait plus vraiment où se trouve l’information. Que dire alors de Whatsapp ? Des vidéos, des audios… Tout le monde sait et personne n’ignore. Le secret d’État est un secret de polichinelle au pays de Lumumba. De quoi faire pâlir les Gilets jaunes de Macron et leur Facebook qui sont des nains face aux Youtubeurs kinois.

Un État anomique

Il ne s’agit pas pour nous de nier l’utilité somme toute efficace des réseaux sociaux. On le voit avec la Lucha et d’autres organisations des jeunes congolais qui font montre d’une maturité louable et encourageante. L’espoir est là. Nous parlons ici de toutes ces mouches du coche, qui ont pris la place des autorités totalement défaillantes qui ne sont pas capables d’assumer leur mission de gestion de la chose publique et qui sont là plus pour leur fameux « per diem » que pour le service aux populations.

Quand la République est anomique, elle est bien entendu nulle part.

Quelle est la parole officielle sur :

  • l’occupation du territoire congolais par le Rwanda, l’Angola et maintenant la Zambie ? Allô !
  • sur le contrôle de l’État congolais par des puissances étrangères ? Allô !
  • l’absence d’eau potable dans les 3/4 du pays ou sur les coupures récurrentes de courant ? Allô !
  • une éducation défaillante qui fait de nos jeunes des instruits illettrés ? Allô, allô !

On pourrait ainsi multiplier les questions tout en sachant qu’il n’y aura pas de réponse officielle crédible. On a connu le taiseux, maintenant on a le mielleux.

Face à cette anomie de l’État, d’autres forces ont pris sa place : les pasteurs archi-bishops, les musiciens, les kulunas, les youtubeurs pro Fatshi ou pro Kanambe et bien entendu, les honorables qui n’ont d’honneur que leur prévarication et leur concussion(1).

Oui, la Congo dit démocratique est devenue une république de bohème, où les institutions sont en transhumance permanente. L’État est dans la rue, tout le monde parle et personne n’écoute. Si la République est dans la rue, c’est aussi parce que le peuple doit se prendre en charge car on ne lui offre aucune perspective. Théâtraliser, Youtuber, Whatsapper ou Facebooker permet aussi d’exister. Mais le danger est là car faute de force canalisatrice structurée, les opinions souvent décousues deviennent la vérité.

(1): manquement aux devoirs d’une charge – détournement des biens publics. Hélas! un sport national au Congo dit démocratique.

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