Burundi : À visage caché #Reporters
Le Burundi ne fait jamais la une des journaux. Pourtant les violences y sont quasi quotidiennes. Depuis l'annonce de la candidature de Nkurunziza à un troisième mandat en avril 2015, des centaines de personnes ont été tuées. Plus de 320 000 autres ont fui dans les pays voisins. Nous voulions aller au Burundi, donner la parole au pouvoir et à ceux qui lui résistent, mais notre demande de visa a été refusée. Nous sommes donc partis à la rencontre des Burundais exilés en Ouganda et en Tanzanie.
Notre avion roule sur le tarmac de l’aéroport Paris-Charles de Gaulle. Faute d’avoir obtenu un visa pour le Burundi, nous nous envolons pour le Rwanda. Nous nous apprêtons à éteindre nos téléphones portables. Ça sonne. C’est l’ambassade du Rwanda à Paris, le premier conseiller est au bout du fil. S’ensuit une conversation surréaliste :
- Bonjour, je me permets de vous appeler pour vous dire que vos visas ont été annulés.
- Monsieur, c’est impossible, nous sommes dans l’avion, nous nous apprêtons à décoller !
- Je vous le répète, vos visas sont annulés. Descendez de l’avion, vous ne pourrez pas entrer au Rwanda, les services de l’immigration sont prévenus !
Fin de l’échange. Notre avion décolle... Lors de notre escale à Istanbul, nous découvrons cet e-mail de l’ambassade du Rwanda :
Aucune explication jusqu’à ce jour. Lorsque nous avons fait notre demande de visa, nous avions cependant précisé que nous souhaitions nous rendre dans les camps de réfugiés pour y rencontrer des Burundais en exil. Cette décision de Kigali renforce dès lors les accusations des experts de l’ONU, affirmant que le Rwanda recrute des rebelles burundais dans les camps de réfugiés.
Changement de cap. Nous irons donc en Tanzanie, pays qui compte le plus grand nombre de réfugiés burundais, puis en Ouganda.
Tôt le matin, ils traversent la frontière, un baluchon sur la tête. Nous prenons la route en direction de Kigoma, dans le nord-ouest de la Tanzanie, sur les bords du lac Tanganyika. Sur la rive d’en face, la République démocratique du Congo. Au nord, le Burundi. C’est cette route qui est la plus empruntée par les candidats à l’exil venus du Burundi. À ce jour, 180 000 personnes ont été accueillies dans l’un des trois camps de réfugiés de la région. Deux camps sur trois sont pleins. Le dernier, celui de Nduta, avait atteint ses capacités, mais pour faire face à l’afflux de plus de 10 000 nouveaux venus par mois, le gouvernement tanzanien a décidé d'en repousser les frontières pour pouvoir accueillir un total de 85 000 personnes.
Médecins sans frontières, très actif sur place, a lancé un cri d’alarme au mois de novembre dernier : "Ces quatre derniers mois, nous avons assisté au quasi-quintuplement du nombre de réfugiés. Le niveau de prise en charge ne suit pas du tout et nous sommes très inquiets pour la situation sanitaire et humanitaire à l’intérieur de ces camps pour les mois à venir".
Nous en voyons qui traversent la frontière tôt le matin, un baluchon sur la tête. Des familles avec enfants, très jeunes. Éreintés par la peur, les longues heures de marche. Ils racontent avoir été menacés par les Imbonerakure, ces jeunes qui forment le mouvement de jeunesse du CNDD-FDD, le parti au pouvoir, que l’ONU considère comme une milice.
"Ils nous disent de partir, ou sinon, ils vont nous massacrer !", s’exclame un réfugié. Au Burundi, où la densité de population est très élevée, certains profitent de la fuite des réfugiés pour récupérer des parcelles de terre.
"Des chiffres faux et archi faux !"
Faute d’avoir été autorisés à nous rendre au Burundi, nous avons pu poser quelques questions au conseiller principal du président, Willy Nyamitwe, via un journaliste basé à Bujumbura, la capitale burundaise. Lorsque nous l’interrogeons sur les Imbonerakure, sa réponse fuse : "Ceux qui sont à l’extérieur du pays affirment qu’ils ont été arrêtés pendant la nuit par des Imbonerakure. C’est faux, archi-faux ! Je suis un ancien Imbonerakure, l’actuel chef de l’État est un ancien Imbonerakure. Tous les espoirs du peuple burundais actuellement sont fondés sur la solidité, la bravoure, le patriotisme qu’affiche la jeunesse Imbonerakure."
Willy Nyamitwe rejette également avec véhémence les chiffres du Haut commissariat des Nations unies (HCR) aux réfugiés : "Nous avons de sérieuses convictions de penser que le HCR continue de gonfler ces chiffres, au nom de certains intérêts. Certains organismes dépendent de soutiens financiers, et c’est en ... Lire la suite sur notre site web.
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