Ressources du Congo

Le Vol vers la qualité (3/4)

19 Septembre 2012 , Rédigé par Désiré Mandilou Publié dans #Autre regard

Par Pr Désiré Mandilou, Economiste

 

Cet acte de conscience populaire, de responsabilité collective, a permis de ramener le taux d’inflation à 5%. Ce qui a fait dire à un économiste européen que « les zaïrois méritaient le prix Nobel d’économie »(Le Monde, 23 Avril 1997). Mais le mal était fait. A l’arrivée de Laurent-Désiré Kabila, trois zones monétaires cohabitaient au Zaïre. Au premier semestre 1997, « 1 dollar valait 400 000 NZ prostate dans le Shaba et 170 000  NZ non prostate à Kinshasa. Cette différence tenait au fait que dans le Shaba, « l’entreprise paraétatique Gecamines, qui exploitait des mines de cuivre, rémunérait ses 35000 employés en nouvelles coupures fournies par la banque centrale, provoquant une chute localisée du NZ, deux fois plus faible qu’à Kinshasa » (Jean Hélène, Le Monde 23 Avril 1997).

 

Si l’on ajoute à cela le fait que la région du Kasaï, région d’origine de l’opposant Tshisekedi, en était encore aux AZ en signe de résistance au pouvoir de M. Mobutu, on comprend la difficulté de gestion macroéconomique dans laquelle se sont retrouvés les rebelles parvenus au pouvoir. Cet imbroglio monétaire aura pour conséquence de pousser les populations  congolaises à opter pour une  tierce  monnaie: le dollar américain. La création du franc congolais n’y changera rien. Dans les faits, les populations ont voté pour le dollar américain. Or, la banque centrale de la RDC ne produit pas de dollar américain. Depuis lors, ce pays se trouve pris dans une trappe à pauvreté, une situation structurelle d’appauvrissement continu facile à comprendre.

 

La production de biens et services se fait en contrepartie de la distribution d’unités de francs congolais. La conversion de ce revenu monétaire en revenu réel, en marchandises, ne donne accès qu’à la production vivrière. Tous les autres biens et services, même les consultations médicales, requièrent des dollars. Sans le formidable effort de transfert de devises de la diaspora congolaise, les conditions d’existence, notamment des populations urbaines, seraient infra humaines (proches de la condition animale).

 

Au total, le dollar américain est devenu l’unité de compte, l’unité de paiement de toutes transactions autres qu’alimentaires. Le dollar assure aussi la fonction de conservation de la valeur à travers le temps, dans sa forme la plus fruste, celle de la thésaurisation. Loin, bien loin, de l’épargne, forme moderne de conservation de la richesse dans le temps.

 

Il s’agit là d’une forme dégénérée de dollarisation, dont le résultat est la paupérisation du plus grand nombre. En effet, pour obtenir un dollar, qui ne coûte au reste du monde que l’encre pour les imprimer, le Congo cède des richesses réelles : des diamants du pétrole, des terres rares, etc. Nous avons donc l’échange d’une richesse nominale, obtenue via l’imprimerie ou en pianotant sur un clavier contre des richesses réelles obtenues par un travail productif, une dépense d’énergie (force de travail) et de capital (capital physique mis en œuvre dans les industries extractives). 

 

C’est dans ce mécanisme que se trouve le principal ressort de l’appauvrissement continu des congolais. Nous pouvons certes continuer à insulter le gouvernement congolais. Il reste cependant que le choix de voler vers la qualité, vers le dollar est un choix collectif des congolais sur lequel nous devons revenir.

 

A suivre.

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