Ressources du Congo

Des Joseph ...indésirés

9 Mars 2013 , Rédigé par Dyfray Deliosso Publié dans #Carte blanche à

L’histoire de certains peuples et nations a souvent été, positivement ou négativement, l’œuvre de certains individus à la  destinée particulière, dont les noms se sont confondus avec le destin de ces peuples. Celle du Congo indépendant, République Démocratique du Congo, en transitant par le Zaïre, a voulu que cette nation subisse, au niveau du pouvoir suprême, les avatars d’un prénom biblique, riche en connotation et en charge onomastique, mais devenu aujourd’hui comme une marque au fer rouge sur l’épaule de ce peuple forçat, martyrisé, humilié, piétiné, noyé dans les eaux infectes et fétides de l’incompétence des politiciens, et trahi par la poltronnerie de ses chefs, baptisés par des insipides égoïsmes, des félonies  putrides et multiformes…

Joseph…

Le Dictionnaire Pratique des prénoms de Thomas DECKER (Edition de Lodi, Paris, 2000) fait dériver ce prénom, si majestueux, de deux éléments hébreux : Jo, abréviation de Jéhovah, et du verbe  Eph, qui signifie « donner ». Joseph, prénom magnifique : « donné par Dieu »… Entre autres traits caractéristiques de la personnalité des Joseph, on sait qu’ils ont du mal à admettre que les gens ne soient pas tous à leur image, puisqu’ils estiment, consciemment ou non, être, eux, moulés  à l’image de Dieu… Saint Joseph, patron des … fossoyeurs !

Il était une fois trois  Joseph K., dira l’histoire. Joseph K. : évocation significative et opportune du célèbre et pathétique personnage de Franz KAFKA. Le Procès

Ne serait-on pas en droit d’ouvrir un procès à nos Joseph de présidents, sans vouloir les calomnier, comme estimait l’avoir été l’angoissé héros de KAFKA ? Procès à charge d’un homme… Procès à décharge d’un peuple trempé et retrempé, tel une tranche de saucisse dans l’acidité du vinaigre.

Les figures et la personnalité des Joseph, trois fois réédités dans l’histoire tragique du peuple congolais, auront déshonorablement écorché celles de l’antique Joseph biblique, fils de Jacob,(un Joseph calomnié !) façonneur d’un peuple au destin exceptionnel ; et celle de l’autre Joseph, fils de David, qui assuma et assura, avec humilité et haut sens de responsabilité, l’éducation et le façonnement du Sauveur des nations…

Trois Joseph K: Joseph Kasa-Vubu, Joseph Kuku Ngbendu, Joseph Kabila Kanambe…, pour le malheur d’un peuple supplicié et vidé de tout son jus vital.

Au commencement était un certain Joseph K., par qui la transition vers le territoire de la liberté, de l’autonomie, devait passer, Joseph, par qui un peuple voulait devenir peuple, et croire qu’il avait un destin fabuleux, qu’il avait rendez-vous avec l’histoire, manger de son sol et de son sous-sol, regorgeant  de plus d’une richesse enviée par les nations… Joseph K., lui, aura choisi l’esquive…

Nonchalant, débonnaire, peu visionnaire, cachotier, sans éclat ni aura, manipulable et marionnette à souhait, plus ouvert à écouter la voix des autres que disposé à s’écouter lui-même, pour amener son peuple à vivre l’alliance, à aller vers la réalisation de la promesse, dans un pays ruisselant de lait et de miel, d’or et de diamant, bon et vaste pays…

Quatrième malédiction du livre de Deutéronome : « Maudit, celui qui fait perdre sa route à l’aveugle ! »

Et Joseph abandonna le troupeau, effaré, dans les griffes d’un félin, qui pleurera d’émotion, à côté de sa proie mille fois lacérée, lorsqu’il se découvrit, sur le tard, rejeté par les siens, comme un « indésirable Désiré ». Joseph K., à la férule en canne de bois noir, tonton macoute de ses enfants…

Procès d’un Joseph cynique, d’un Joseph aux mille contradictions, artiste néronien, bâtisseur et rédempteur,  fossoyeur et pyromane. Procès d’un Joseph ultra  cynique,  méthodiquement machiavélique, plus messie que le fils de Joseph le Charpentier nazaréen, codificateur d’un culte à son image « céleste », idole s’idolâtrant, guide hyper éclairé d’un peuple qu’il maintint trois décennies dans la myopie, paranoïaque à souhait, Néron des temps modernes, trucidant à volonté avec un appétit de prédateur à la robe tachetée, Ponce Pilate à la cruauté édulcorée par la lâcheté : Patrice, l’illuminé au bref destin, noyé dans un fût d’acide, Evariste, le pacifique,  et deux « larrons », élevés en lévitation sur le gibet sur la place publique, comme singulier cadeau de la Pentecôte…

Onzième malédiction: « Maudit, celui qui se laisse corrompre pour frapper à mort un innocent ! »

Et le félin, non assouvi et pleurant du sang, passa le témoin, par-dessus la tête d’un « Désiré », autoproclamé « vieux sage »,  à Joseph K.  Jamais deux sans trois…

Joseph K., jeune taureau sorti de nulle part. Procès d’un Joseph sournois, glacial, caméléon et chauve-souris, à cheval sur un peuple consacré, dans un pays ruisselant de lait et de miel, d’or et de diamant, bon et vaste pays messianique, procès d’un Joseph ambigu, à cheval sur deux peuples, repu de minerais couleur de sang de l’orphelin, s’abreuvant des larmes de la veuve et de l’émigré, justicier mettant en mal la cohésion nationale…

Cinquième et dixième malédictions : « Maudit, celui qui biaise avec le droit de l’émigré, de l’orphelin et de la veuve ! » « Maudit, celui qui frappe son prochain en cachette ! »

Et tout le peuple dira un « amen » de colère, pour reprendre son bien spolié, dans ce pays ruisselant de lait et de miel, d’or et de diamant, bon et vaste pays au destin messianique. « Amen », en attendant le procès de la forfaiture. Il dira « amen » et interpellera les spectres des Joseph trois fois ravageurs et fossoyeurs. Il dira « amen » comme Joseph l’Israélite, à l’adresse de ses frères : « Vous êtes-vous cru à la place de Dieu ? Vous avez voulu me faire du mal, Dieu a voulu en faire du bien… »

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